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de la cathédrale, les brigands ouvrirent les tombeaux des princes : l’un d’eux, quand on brisa le monument de Jean Hunyade, se saisit du sceptre qui était déposé dans le cercueil du gouverneur. Il s’enfuit à toute bride, quitta la Transylvanie, et, se présentant devant Pierre Orsi, capitaine d’Esztergom : « Voici, lui dit-il, le sceptre que porta jadis le héros de la Hongrie, Jean Hunyade, des mains duquel je l’ai arraché. J’ai cherché un homme qui méritât de le recevoir, et je n’en ai pas trouvé de plus digne que toi, dont le courage m’est connu. — Peux-tu me prouver, repartit le capitaine hongrois, que c’est là le sceptre du grand Hunyade ? » Le soldat invoqua le témoignage de ses compagnons, qui assurèrent qu’il disait vrai. « Je te remercie, camarade, continua Pierre Orsi, de m’avoir apporté d’aussi loin un tel présent. » — Et il se fit remettre le sceptre. — « Mais comme tu as violé la tombe d’un grand homme, comme tu as profané de tes mains sacrilèges des mânes sacrées, tu n’es plus digne de vivre. » Puis, le faisant garrotter, il ordonne qu’on le porte sur le pont du Danube. S’adressant alors au sceptre, il dit : « Dans la main de ton illustre maître Jean Hunyade, tu sauvas le Danube et le sol hongrois du joug des Infidèles. Personne aujourd’hui n’est digne de te porter. Mais le fleuve que tu as défendu dans les calamités passées te protégera contre les souillures à venir. » À ces mots, il jeta le sceptre dans le Danube. Enfin, faisant précipiter le soldat :