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par la Maros et des côtes couvertes de vignes. Les villages environnants, Krakkó, Czelna, Boros Botsárd, Igen, produisent le meilleur vin de la Transylvanie. D’une montagne voisine coule un torrent d’eau glacée sous lequel se placent les paysans malades, et qui est appelé ruisseau turc, Török patak. On raconte que des fuyards turcs qui s’y étaient cachés y furent surpris par les habitants. Ceux-ci placèrent dans le torrent des pierres qui, lancées par l’eau, écrasèrent les barbares.

La pluie menaçait de rendre glissant le chemin périlleux que nous avions à descendre. Nous quittâmes à regret le Ketskekö, et nous arrivâmes au bas du rocher suivis de plusieurs chevriers qui nous avaient rejoints en sautant gaiment par dessus les abîmes. Nous étions assis sous les arbres, près d’une source, pour reprendre des forces. Un Valaque survint qui s’arrêta et nous regarda avec étonnement. On lui offrit du pain, du vin et du lard. Il jeta à terre sa hache, son chapeau orné d’une plume de paon, et s’avança. C’était un beau jeune homme de vingt-cinq ans, grand et bien fait, avec un profil romain. Il portait sur le côté gauche une seule natte de cheveux noirs et luisants. Sa chemise était brodée avec luxe. Une écharpe de laine rouge était mise par dessus sa large ceinture de cuir, qu’il avait remplie de mouchoirs de toutes couleurs. Sur sa poitrine brillait une chaîne d’acier où étaient passées une trentaine de bagues de cuivre, dons d’amour, disait-il,