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talent se montre non seulement dans l’exécution parfaite du chant, mais encore dans l’art prodigieux avec lequel ils savent improviser les variations les plus intelligentes sur des thèmes qui respirent des sentiments si distincts.

Il s’en faut que tous les artistes bohémiens atteignent cette perfection : je ne parle ici que d’un petit nombre. Mais ces exemples suffisent pour prouver le génie de la nation. On est au reste surpris de l’aisance que déploient les petits enfants auxquels on met un violon entre les mains ; en peu de temps ils arrivent à seconder leurs pères, et on sent que tout tzigány est né musicien. Aussi les Gitanes de chaque village en sont-ils les ménétriers obligés. Les jours de fête ils prennent une supériorité que tout le monde leur reconnaît : ils marchent en tête du cortège quand un mariage est célébré, et deviennent des personnages importants. Sous ce rapport les Gitanes de la Hongrie offrent un certain intérêt. Ils sont les dépositaires de l’art. Ce sont eux qui conservent les airs nationaux, que l’on n’a pas écrits, et qui sont joués d’un bout du pays à l’autre. Souvent ces artistes en guenilles, qui ont à leur disposition des instruments fêlés, ne vous procurent qu’un médiocre plaisir ; mais quelquefois aussi ils surpassent ce que vous attendiez d’eux. On en rencontre partout, et c’était une de mes préoccupations, dans chaque lieu où je m’arrêtais, de penser quelle sorte d’exécutants