Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome I.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

villageois. Je fus conduit chez un de ces paysans. Son habitation se ressentait de la fortune qu’il avait acquise. Les chambres étaient tapissées de bandes de toile brodée étendues sur les murs. Le lit, peint à fleurs, était couvert de coussins brodés en rouge ou en bleu. Un lustre de bois doré pendait au plafond. On voyait des journaux hongrois sur la table. Une guitare était jetée sur le lit ; il l’accrocha au mur, et nous dit en passant que le maître de musique de sa fille était sorti. Une longue canardière, plusieurs fusils et pistolets, brillaient dans un angle. Il y avait une pendule qui jouait des airs hongrois. De chaque côté de la fenêtre on voyait les portraits de MM. Szechényi et Wesselényi. Il avait lu l’ouvrage du premier sur le crédit. « C’est un bon livre », disait-il ; puis il se plaignait de son costume. « Nous travaillons pour gagner notre vie ; cet habit là est trop cher pour un villageois. » Et il ajoutait en homme de progrès : « Qu’un seul le quitte, tous le quitteront. »

C’est une chose digne de remarque que ces paysans, après qu’ils sont devenus riches, restent toujours au village, et n’ont guère plus d’ambition que les autres. Celui de Toroczkó dont la fille apprenait la guitare est le plus citadin de tous ; il boit du café et s’occupe de politique. J’ai vu à Szent György un autre villageois qui le blâmait fort de ses excès. Celui-là, quand nous arrivâmes, travaillait avec ses enfants. Il nous fit entrer dans une chambre plus simple que l’appartement du paysan