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avait été ramené par les armes, et le comte Étienne Tököli était mort assiégé dans son château par les troupes impériales. Peu s’en fallut que son fils, encore enfant, ne tombât entre les mains des Autrichiens. Ses amis lui firent passer à la hâte un vêtement de femme, et l’entraînèrent hors des murailles. Sous les habits d’une innocente jeune fille fuyait le plus implacable ennemi qui se soit jamais levé contre l’Autriche.

Emeric Tököli était un homme de génie. Si la barbarie ottomane eût été disciplinable, il l’eût disciplinée, car il gouverna toute sa vie les Turcs. En même temps il intéressait le roi de France à sa cause, et régnait sans partage sur les mécontents hongrois. Tököli fut la personnification du sentiment national, de la résistance hongroise à l’oppression autrichienne. Hongrois, il était secondé par les Transylvains. Ennemi de l’Autriche, il était appuyé par les Ottomans. Lorsqu’on se rappelle quelles terribles guerres les Hongrois soutinrent au moyen âge contre les Turcs et les Tatars, ou peut s’étonner qu’au 17e siècle ils se soient rapprochés de la Porte. Mais il faut remarquer que les guerres des Turcs se divisent en deux périodes : elles s’ouvrent par l’âge héroïque d’André II ; au temps même de Jean Hunyade, les Ottomans, poussés par le souffle du prophète, sont encore animés de l’ardeur du prosélytisme. C’est la lutte de la croix et du croissant. Les Hongrois défendent vaillamment la chrétienté, et ils vont jusqu’à Varna