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ses amis l’apologue suivant, qu’il appliquait à la Hongrie et à la Transylvanie.

Un jour un homme emporté par le diable rencontre un compagnon : « Où vas-tu, camarade ? lui demande celui-ci. Je ne vais pas, dit l’autre, on me porte. — Qui ? — Le diable. — Où ? — En enfer. — Hélas ! te voilà dans une triste situation ; tu ne saurais être pis. — Je suis mal, je l’avoue, mais je pourrais être pis encore. — Qu’y a-t-il de pire que l’enfer ? — C’est juste. Mais si je vais en enfer, je suis porté sur les épaules du diable ; je me repose dans le trajet. Que le diable au contraire me selle et monte sur moi, j’irais en enfer avec la fatigue de plus ; je serais donc plus mal que je ne le suis à présent. » L’empereur, pensait Zrinyi, c’est le diable qui porte ; le sultan, c’est le diable qui se ferait porter.

Il est remarquable que la Transylvanie échappa à la domination turque sous un prince que les Turcs nommèrent de leur propre autorité. Toutefois, pendant la première partie de son règne, Apaffi subit l’influence de la Porte. Adoptant la politique de Botskai, de Bethlen et de Georges I Rákótzi, il se déclara contre l’empereur pour soutenir les mécontents de Hongrie. La noblesse de ce royaume était alors en état de rébellion ouverte : les comtes Pierre Zrinyi, Frangipani et Nádasdi, venaient de périr par la main du bourreau (1671) ; le palatin Wesselényi, après avoir perdu ses forteresses, s’était retiré en Transylvanie ; le prince Rákótzi, fils de Georges II,