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sant prestige. On avait remarqué à sa naissance de sinistres présages : la tour de Grand-Waradein, disait-on, s’était inclinée, et lui-même était né la main remplie de sang. On sut bientôt que les prophéties avaient dit vrai. À peine Sigismond eut-il pris d’une main ferme les rênes du gouvernement qu’il fit arrêter douze magnats, dont le crédit et les richesses lui faisaient ombrage. Les États lui arrachèrent la grâce de quatre d’entre eux, mais les huit autres furent mis à mort. Alexandre Kendi, qui perdit la vie le premier, fut décapité à Clausenbourg. Comme il marchait au supplice, il aperçut Sigismond, qui debout, à une fenêtre, le regardait venir. « Aucune loi divine ni humaine, s’écria-t-il, ne souffre la condamnation d’un homme qui n’a pas été entendu. » Le prince, que l’on avait accoutumé de bonne heure à la vue du sang en exécutant en sa présence les criminels, assista froidement à cette tragédie.

Un Bohémien survint avec une épée, et trancha la tête de Kendi. Jean Iffiu monta après lui sur l’échafaud ; puis Gabriel Kendi, puis Jean Ferro, qui demanda vainement une épée nouvelle, parce que celle du Bohémien ne coupait plus, puis enfin Grégoire Literati. Le peuple, qui ne comprenait rien aux querelles des grands, regardait faire sans prendre aucun parti. Mais lorsqu’il vit la pluie tomber tout à coup et laver le sang des morts, il cria qu’ils étaient innocents. Les autres condamnés furent étranglés secrètement, suivant la