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ait régné sur la Hongrie, Mathias Corvin. Un chroniqueur raconte que la femme de Jean Hunyade, « à son retour de la Szilágy, fut reçu chez un riche bourgeois qui possédait une maison de pierres, et mit au monde, le 27 mars 1443, un fils qui devint roi. » On montre encore cette maison historique ; et elle n’est pas seulement connue de l’antiquaire, elle l’est encore du peuple, qui a gardé la mémoire de cet autre Henri IV. Depuis Mathias, dit le proverbe, il n’y a plus de justice en Hongrie. Le nom de Corvin est l’objet d’une foule de traditions, qui vous apprennent que nul roi n’aima plus ardemment son peuple et ne défendit mieux l’opprimé. Me trouvant un jour dans les montagnes de Torotzkó, je causais de Mathias Corvin avec mon guide. « Connaissez-vous l’histoire de la foire aux chiens ? » me demanda-t-il ; et, sur l’assurance que j’avais grand désir de l’entendre, voici ce qu’il me raconta.

Un jour le roi Mathias, parcourant un champ de foire, aperçut un homme fort honnête, lequel amenait deux bœufs qu’il était forcé de vendre. Vis-à-vis se tenait un riche marchand, assez mal famé, qui avait six bœufs et en demandait un prix fort élevé. Le roi Mathias, qui connaissait tous ses sujets, savait que celui-ci était un méchant homme, et que le premier au contraire était digne de sa protection. Il aurait bien voulu que les six bœufs passassent gratuitement d’un maître à l’autre ; mais il eût été injuste d’exiger cela, et le roi