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Lucien.

Eh bien, si tu admets la possibilité de te marier, voilà le moment. Tu peux encore choisir ; dans quelques années, tu ne le pourras plus. J’ai un parti pour toi : une veuve de vingt-cinq à trente ans, fort riche, très belle, avec un nom aristocratique.

D’Estrigaud.

Taratata ! Tu ne m’as pas laissé développer ma pensée. (Il se lève.) Le mariage est pour moi la manœuvre désespérée de la frégate qui s’échoue à la côte plutôt que d’amener son pavillon. C’est l’expédient suprême auquel je ne recourrai qu’à la dernière extrémité ; et, si je m’y prends en effet trop tard, il me restera toujours la ressource héroïque du capitaine, : je me ferai sauter.

Lucien.

C’est ton dernier mot ?

D’Estrigaud.

Le premier et le dernier.

Lucien.

Alors, mon cher Raoul, je te prie amicalement de modérer tes assiduités auprès de ma sœur.

D’Estrigaud.

Comment ! c’est d’elle qu’il s’agissait ? Tu voulais être mon frère, petit Caïn ?

Lucien.

Ce m’eût été une grande joie, je l’avoue ; mais, ne pouvant être ton frère, je tiens à rester ton ami ; et c’est pourquoi je te prie…