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voilà donc tout le sujet de ma pièce. Je défie qu’on y trouve un mot excédant cette question ; et j’ai l’habitude de dire les choses assez franchement pour ne laisser à personne le droit de me prêter des sous-entendus.

D’où viennent donc les clameurs qui s’élèvent contre ma comédie ? Par quelle adresse cléricale soulève-t-on contre elle la colère de partis auxquels elle ne touche pas ? Par quelle falsification de mes paroles arrive-t-on à feindre de croire que j’attaque les gouvernements tombés ? — Certes, c’est une tactique adroite de susciter contre moi un sentiment chevaleresque qui a un écho dans tous les cœurs honnêtes ; mais où sont-ils, ces ennemis que je frappe à terre ? Je les vois debout à toutes les tribunes ; ils sont en train d’escalader le char de triomphe ; et quand j’ose, moi chétif, les tirer par la jambe, ils se retournent indignés en criant : « Respect aux vaincus ! »

En vérité, c’est trop plaisant !

Un reproche plus spécieux qu’ils m’adressent, c’est d’avoir fait des personnalités.

Je n’en ai fait qu’une : c’est Déodat. Mais les représailles sont si légitimes contre cet insulteur, et il est d’ailleurs si bien armé pour se défendre !

Quant à l’homme d’État considérable et justement honoré qu’on m’accuse d’avoir mis en scène, je proteste énergiquement contre cette imputation : aucun de mes personnages n’a la moindre ressemblance avec lui, ni de près ni de loin. Je connais les droits et les devoirs de la Comédie aussi bien que mes adversaires : elle doit le respect aux personnes, mais elle a droit sur les choses. Je me suis emparé d’un fait de l’histoire contemporaine qui m’a paru un symptôme frappant et singulier de la situation troublée de nos esprits ; je n’en ai pris que ce qui appartient directement à mon