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— « Vous êtes vengée, madame, lui a-t-il dit ; mais vous voyez à quelles calomnies vous expose votre isolement. Faites donc un sacrifice, non à moi qui ne le mérite guère, mais à l’honneur de votre nom. Oubliez mes torts et rendez-moi le droit de vous protéger… c’est le seul que je prétende de notre réconciliation. » Tout cela dit d’un ton qui n’amena pas le moindre sourire sur les lèvres des assistants. La marquise lui a tendu la main, et, restés seuls, ils sont convenus de passer un an à l’étranger pour faciliter leur contenance.

Henri.

D’où sais-tu tous ces détails ?

Sergine.

De la marquise elle-même, qui m’a fait ses adieux.

Henri.

Ses adieux ! La scène a dû être assez embarrassante et embarrassée de part et d’autre ?

Sergine.

Non. Elle a été sérieuse et franche comme il sied entre gens qui n’ont rien à se reprocher l’un à l’autre, et qui se restituent mutuellement à leurs véritables destinées. Deux existences confondues pendant cinq ans ne se séparent pas sans émotion et sans un tendre regret pour les jours heureux ; mais si nos voix ont tremblé dans les dernières paroles, si nos yeux se sont mouillés dans le dernier regard, nous avons feint de ne pas nous en apercevoir, et nous nous sommes quittés avec un sourire.

Henri.

Vive la joie ! te voilà libre… et sans avoir manqué à aucun de tes devoirs. La marquise n’est pas sacrifiée, et j’en suis bien aise ; c’est une femme de cœur… Le Ver-