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Le Marquis, à Vernouillet.

Écoutons : ce n’est pas du style noble, mais c’est instructif. (À Giboyer.) Voudriez-vous qu’on le murât, ce cul-de-sac !

Giboyer.

Oui, morbleu ! qu’on le mure si on ne peut pas le percer par l’autre bout !… Savez-vous comment j’ai vécu, moi qui pourrais soutenir une thèse, comme Pic de La Mirandole de omni re scibili ?

Le Marquis, s’asseyant à gauche de la table.

Je serais curieux de le savoir. Contez-moi cela.

Vernouillet est auprès de la cheminée.
Giboyer.

Est-ce que cela se raconte ? Vivant d’expédients, empruntant l’aumône, laissant une illusion et un préjugé à chaque pièce de cent sous, je suis arrivé à l’âge de quarante ans, le gousset vide et le corps usé jusqu’à l’âme.

Le Marquis.

Je ne suis pas un ardent défenseur de notre société ; permettez-moi cependant de vous dire que si vous n’aviez pas quelques vices…

Giboyer.

Oui, parbleu ! j’en ai. Vous en avez bien, vous autres !… Croyez-vous que les privations soient un frein aux appétits ? Mais si je n’avais eu que mes vices, ils n’étaient pas bien coûteux, je me serais encore tiré d’affaire ; par malheur j’avais aussi une vertu, la seule qui ne fût pas restée en route : j’étais bon fils. Je ne voulais pas mettre mon père à l’hôpital… C’était un enfantillage… Que voulez-vous ? on n’est pas complet. Il a eu l’indiscrétion