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obstination, et baissent pavillon. Vous êtes humblement prié de réintégrer le domicile conjugal.

Pierre.

Je ne suis pas un enfant, monsieur ; si je pouvais rentrer, je ne serais pas sorti.

Pingoley.

Voyons, pas de don quichottisme. Je sais bien que votre belle-mère a prononcé quelques paroles difficiles à oublier, mais elle les regrette sincèrement et vous en demande pardon. D’ailleurs, votre situation chez ces dames se trouve fort modifiée par mon intronisation ; elles ont dorénavant un cavalier, et vous aurez tout le temps nécessaire à vos travaux. Enfin, que la mauvaise honte de revenir aux yeux du monde sur une détermination chevaleresque ne vous retienne pas : personne ne soupçonne votre escapade. Ces dames ont eu soin d’expliquer votre absence par un voyage d’affaires dans leurs propriétés. Vous n’avez rien à objecter, habillez-vous et venez avec moi.

Pierre.

Pardon, monsieur le marquis : je suppose que vous, qui ne semblez pas vous piquer de don quichottisme, vous ayez été recueilli par un ami assez intime pour vous rendre un pareil service. Je suppose que, dans un moment de vivacité, cet ami s’oublie jusqu’à vous reprocher son bienfait. Sans nul doute, vous sortiriez immédiatement de chez lui. S’il revenait, je ne dis pas un mois après, mais le lendemain, plein du plus sincère repentir, vous demander pardon, vous lui pardonneriez, j’en suis sûr ; mais rentreriez-vous chez lui ? non ! La chaîne du bienfait est la seule qui ne se renoue pas… Je ne puis plus