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M’enviez-vous déjà cette joie ineffable,
Dites ?

Gabrielle.

Dites ? Qu’une rupture est chose lamentable,
Et comme le passé va nous enveloppant
D’imperceptibles nœuds qu’on ne sent qu’en rompant !
Tandis que vous parliez, — pardonnez ma faiblesse,
Stéphane, — il m’a semblé voir toute ma jeunesse
Se lever en pleurant et me tendre les bras
Comme pour me crier : « Ne m’abandonne pas ! »

Stéphane.

Séchez, séchez vos yeux ! Quelle est cette démence ?
Votre jeunesse ? eh bien ! voici qu’elle commence !
Son véritable essor date de notre amour,
Et rien ne doit compter pour nous jusqu’à ce jour.
Commençons, ou plutôt recommençons la vie.
Nous chercherons un coin abrité de l’envie,
Où nous puissions en paix, loin de ce monde altier,
Nous être l’un à l’autre un monde tout entier !
Je sais, si vous voulez, un village en Bretagne,
Sur le bord de la mer, au pied d’une montagne ;
Nid d’amour vers lequel les bruits de l’univers
S’éteignent, par celui de l’Océan couverts !

Gabrielle.

Eh bien ! préparez tout pour partir dans une heure.
Cette maison me navre ; il semble qu’elle pleure !
— Silence, on vient.