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Adrienne.

Si tu l’aimais toujours, tu serais plus contente.

Gabrielle.

Je t’assure…

Adrienne.

Je t’assure…Voyons, prends-moi pour confesseur ;
Ne suis-je pas un peu ta mère, un peu ta sœur ?
Tu ne peux pas avoir d’ennui qui ne soit nôtre.
Tu n’aimes plus Julien.

Gabrielle.

Tu n’aimes plus Julien.Je n’en aime pas d’autre,
Du moins.

Adrienne.

Au moins.Pauvre Julien ! Que lui reproches-tu ?
Ne te conduit-il pas dans le chemin battu
Et ne te fait-il pas la voiture assez douce
Pour ne sentir jamais ni cahot ni secousse ?

Gabrielle.

Oh ! sans doute, il m’assure un train de vie égal
Et me donne en effet tout le bonheur légal…
C’est un homme d’esprit, sans contredit, un homme
Laborieux, loyal, noblement économe ;
Il est bon, il me traite avec grande douceur,
Et je serais heureuse à n’être que sa sœur…
Mais que m’importe encor cette paix de ma vie,
Si de quelque tendresse elle n’est pas suivie ?
C’est bien sa faute, va, si mon cœur est changé !
Si tu pouvais savoir les mécomptes que j’ai ;
Contre quels plats calculs, quelles vérités plates
Mes rêves ont heurté leurs ailes délicates ;
En quelle crudité de sentiments bourgeois