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Et c’est à présent, lecteur, que vous pouvez juger de la férocité de cet ennemi si redoutable aux habitants de l’air, alors que, triomphant sur sa proie, il peut enfin respirer à l’aise. De ses pieds puissants il foule son cadavre, il plonge son bec acéré au plus profond du cœur et des entrailles du cygne expirant ; il rugit avec délices en savourant les dernières convulsions de sa victime, affaissée maintenant sous ses incessants efforts pour lui faire sentir toutes les horreurs possibles de l’agonie. La femelle cependant est restée attentive à chaque mouvement du mâle, et si elle ne l’a pas secondé dans la défaite du cygne, ce n’était pas faute de bon vouloir, mais uniquement parce qu’elle était bien assurée que la force et le courage de son seigneur et maître suffiraient amplement à un tel exploit. Maintenant la voilà qui vole à la curée où il l’appelle ; et dès qu’elle est arrivée, ils fouillent ensemble la poitrine du malheureux cygne et se gorgent de son sang.

D’autres fois, lorsque ces aigles cherchent après la proie, et qu’ils ont découvert une oie, un canard ou un cygne, qui se sont abattus sur l’eau, ils recourent, pour les perdre, à une manœuvre digne aussi de fixer votre attention. Ils savent parfaitement que les oiseaux d’eau ont l’instinct de plonger à leur approche et d’éviter ainsi leurs atteintes. Ils commencent donc par s’élever en l’air dans deux directions opposées au-dessus de la rivière ou du lac sur lequel ils ont aperçu l’objet qu’ils convoitent. Parvenus à une certaine hauteur, l’un d’eux redescend à toute vitesse vers la proie ; mais celle-ci, devinant les intentions de son ennemi,