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la route nouvellement coupée n’étant alors abordable que pour les hommes et les chevaux. Jediah me disait, en me montrant un rocher à cent cinquante pieds au-dessus de nos têtes : c’est par là que, pendant plusieurs mois, on nous descendit à l’aide de cordes, nos provisions enfermées dans des barils. Mais dès qu’il y eut un moulin à scie, les bûcherons commencèrent leur œuvre de dévastation. L’un après l’autre, on les entendit, et maintenant encore on les entend tomber ces pauvres arbres, sans cesse, tant que dure le jour ; et dans le calme des nuits, les insatiables moulins ne disent que trop, triste nouvelle, qu’avant un siècle, les nobles forêts qui les entourent, n’existeront plus. Successivement, de nouveaux moulins furent construits, on éleva maintes écluses, comme autant de défis jetés au cours impétueux du Lehigh. Aujourd’hui déjà un bon tiers des arbres sont abattus, convertis en planches de toutes les dimensions ; et, à cette heure peut-être, flottent jusqu’à Philadelphie.

Dans une pareille entreprise, ce n’est pas tout que d’abattre les arbres, il faut ensuite les hisser jusqu’à la crête des montagnes qui dominent la rivière, les lancer dans le courant et les faire arriver aux moulins, en franchissant des passages où quelquefois les eaux sont très basses, sans compter mille autres difficultés. Étant sur les lieux, je me plaisais à visiter l’un des principaux sommets d’où l’on précipitait les troncs d’arbres. Les voir rouler l’un par-dessus l’autre d’une telle hauteur, donnant çà et là de tout leur poids contre l’angle aigu de quelque rocher, puis, rebondissant comme une balle