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conserver l’apparence de la nature, mais je ne voyais que trop que sa parure était souillée, et que, malgré mes précautions et des réparations continuelles, ce n’était plus là ce charmant petit être sorti si frais des mains de son créateur. Oui, j’aurais désiré posséder toutes les productions de la nature, mais je les désirais avec la vie ! cela était impossible ; et que faire alors ? Je me tournai vers mon père, et lui fis part de mes désappointements et de mon anxiété. Il me procura un livre d’illustrations… Un nouveau sang courut dans mes veines ; je tournai et retournai les pages avec avidité. Il est vrai que ce que j’y voyais ne répondait pas tout à fait à mon attente ; mais cela m’inspirait du moins le désir de copier la nature. C’est donc à la nature que je m’adresserai ; c’est elle que je m’efforcerai d’imiter : de même que, dans mon enfance, rampant encore sur la terre, je m’étais essayé à me lever moi-même et à prendre peu à peu une attitude droite, avant que la nature m’eût donné la vigueur nécessaire au succès d’une telle entreprise.

Mais ici, nouveaux et non moins cruels désappointements, lorsque, pendant plusieurs autres années, je dus m’avouer à moi-même que mes productions étaient encore pires que celles que, dans le livre de mon père, je me hasardais, à part moi, sans doute, à regarder comme mauvaises. Mon crayon donnait naissance à des familles d’estropiés, si drôlement arrangés, pour la plupart, qu’ils ressemblaient à des êtes entiers et vivants, à peu près comme les corps mutilés d’un champ de bataille. Ces difficultés et ces mécomptes