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partir chaque matin le maraîcher du pays avec sa voiture chargée de primeurs, attendirent son retour un soir pour lui demander le prix de ses asperges. Oh ! elles n’étaient pas chères, au dire du marchand, justement il lui en restait une botte qu’un client avait négligé de prendre et il la laisserait pour dix francs. Dix francs ! c’était le prix du pain pour une semaine et on ne peut pas se passer de pain. Dix francs ! C’était le prix du sucre et du café pour tout un mois et on ne peut pas se passer de café. Malgré cela, Nestine prit en main la botte d’asperges que lui tendait le maraîcher. Elle la regarda attentivement par les deux bouts ; oui, c’étaient là de belles asperges, grosses et saines, bien fermes et encore humides à la racine, mais les dix francs, où les prendre ? Et puis, ce maraîcher, pas plus que les autres marchands du village, ne leur ferait crédit, sachant bien que « Ceux du clos », ainsi qu’on les nommait, n’avaient jamais plus de dix sous en poche.

Nestine, un peu confuse, rendit la botte. Ce serait pour une autre fois.

Ce fut leur causerie de la nuit suivante :