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Il s’installait tout près de la porte, à l’endroit le plus clair de la maison, et jusqu’au soir on entendait le bruit sec et fin que faisait la lame de son outil sur le bois dur.

Puis il vint un temps où la mère Marienne put parler de ceux qui étaient morts et qu’elle avait aimés. D’aussi loin qu’elle se souvenait tous les hommes de la contrée avaient été contrebandiers. « Et comment ne pas l’être, disait-elle, quand on est si près de la frontière, et qu’il y a tant de chemins détournés par où l’on peut passer lorsqu’on est adroit et résolu ? »

Pourquoi, aussi, ce qui coûtait un prix d’un côté de la douane, en coûtait-il le double de l’autre côté ?

La mère Marienne n’y avait jamais rien compris, et elle n’avait pas cru mal faire en conseillant à son fils le métier qu’avait fait son mari. Pourtant ce métier n’avait pas réussi longtemps à l’homme qu’elle avait aimé pour son courage et son audace. Et elle raconta à Bernard et à Valserine l’affreux malheur qui l’avait rendue veuve, alors qu’elle était encore en pleine jeunesse.