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qu’ils longent interminablement. Aux heures chaudes, assis dans l’herbe, le dos appuyé contre un saule, ils reprennent leurs projets d’avenir. C’est surtout Noël qui parle. Ils s’uniront, quoiqu’il arrive, dès son retour du régiment. Luc sera marié, sans doute, à ce moment. Et comme il n’y a pas de place pour deux ménages, ainsi qu’il le lui a dit, il prendra une autre ferme qu’il aménagera avec une partie du bétail dont celle-ci regorge. Luc est bon et juste, et ne demandera qu’à partager. Et, s’il survenait un empêchement à ces arrangements prévus, ils auront l’Algérie, ce beau pays, où il a laissé de vrais amis qui lui trouveront facilement une ferme à diriger. Églantine écoute, acquiesce. Elle fera ce que Noël voudra. Que lui importe l’endroit, pourvu qu’elle vive auprès de lui.

À leurs pieds, cette rivière, qui fuit presque sans bruit, absorbe leur attention et les oblige à de longues minutes de silence. De temps en temps un poisson saute hors de l’eau, comme pour s’assurer qu’ils sont toujours là. Aussitôt un martin-pêcheur, lancé comme une flèche, frôle la berge de ses ailes bleues, et le poisson n’a pas toujours le temps de gagner le fond de la rivière.