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l’attendait, et à cause de son malade, elle disait, non, non. Depuis une quinzaine elle le soignait avec un dévouement absolu, ne prenant de repos que dans ce mauvais fauteuil d’osier qu’on avait monté du jardin. Et toujours il la regardait, et son cœur qui cognait dans sa gorge lui semblait plus gros encore, tant il était plein de pitié pour la petite-fille qu’il reconnaissait enfin. Il la vit passer son mouchoir sur son visage et sur ses mains mouillées, il la vit tendre très attentivement l’oreille de son côté, puis il la vit baisser la lampe en veilleuse et s’enfoncer dans le mauvais fauteuil, le corps abandonné et les bras tombant.

Un long temps passa. Églantine s’était endormie. Le père Lumière entendait sa respiration égale et inconsciente. C’était lui maintenant qui veillait sur ce sommeil de jeune fille. Il évitait le plus petit mouvement, sachant qu’elle serait debout au moindre froissement des couvertures. C’était à son tour de rester les yeux grands ouverts.

De tout son courage, il regardait dans le passé. Il revoyait les sourires heureux de sa femme et de son fils. Il entendait la voix enfantine de sa bru lorsqu’elle disait : « moi, c’est un garçon que je veux ! » et la