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Aujourd’hui, malgré ce beau soir de mai, Louis Pied Bot ne parle pas de promenade. Il sait que Noël Barray est revenu ce matin d’Algérie, où il vient de passer sa dernière année d’école. Il l’annonce à Églantine dont le visage prend aussitôt ce rayonnement qui lui fait un teint de fleur et lui met au front comme un reflet de soleil. Elle sait que Noël va la guetter dans la sapinière. Elle sait qu’il la prendra par la taille et la fera tourner en une danse folle, puis qu’il lui saisira solidement la main et la fera courir, jusqu’au Verger, ainsi qu’il l’a fait la seule fois de sa venue en vacances. Cette année, Noël a dix-neuf ans ; mais l’idée ne vient pas à Églantine qu’il est maintenant un jeune homme, ainsi qu’elle est elle-même une jeune fille. Son travail rangé, elle quitte l’atelier et s’engage d’un pas vif dans le chemin où elle voit tout d’abord le chien qui vient à sa rencontre. Il est tout frétillant de joie, il mordille sa robe, et elle comprend qu’il lui dit :

— Noël est là ! Je l’ai vu ! Dépêche-toi !

Ah ! oui, elle se dépêche, et ses grands yeux s’ouvrent plus grands encore pour fouiller le sous-bois, à la recherche de l’arrivant. Elle l’aperçoit enfin, il vient de la direction de l’étang. Elle court, pour arri-