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son, elle ne s’ennuie pas. Le tailleur et sa femme sont aimables et gais, et les enfants, joyeux et tapageurs, font sans cesse la guerre au silence. Il y a encore le frère du tailleur, Louis Pied Bot, jeune homme de vingt-cinq ans, de caractère doux, et que son infirmité rend timide. C’est avec lui qu’elle coud finement les doublures de soie et fait les boutonnières perlées. C’est aussi avec lui qu’elle chante à l’église le dimanche. Leurs deux voix s’accordent parfaitement, et rajeunissent celle du vieil harmonium, ainsi que le dit en riant Mlle Charmes. Comme elle l’a fait autrefois pour Louis Pied Bot, Mlle Charmes enseigne la musique à Églantine Lumière. Au grand-père venu s’en assurer, et l’interdire, elle a répondu de son ton autoritaire :

— Pourquoi cesser ? À cette élève-là, on peut tout enseigner.

Elle reproche seulement à la jeune fille une timidité excessive qui l’amoindrit aux yeux des autres, dit-elle, et surtout l’empêche de donner toute sa voix qu’elle devine puissante et splendide. Elle l’encourage aussi :

— Soyez sans crainte, Églantine. Personne ici ne chante comme vous !

Justement, parce que sa voix ne ressem-