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miers accords du chant triomphal qui doit saluer les jeunes époux à leur entrée.

Ils viennent, ces accords, en même temps que le bruit des pas mesurés sur les marches de l’église. Et la voix d’Églantine s’élève. Elle s’élève, pure, vaste et si dominante que, une à une, les petites filles se taisent. Louis Pied Bot se tait aussi ; et il ne reste plus pour accompagner cette voix de miracle, que les sons grêles et comme étouffés de l’harmonium.

Églantine, qui n’a jamais donné que la moitié de sa voix, la donne aujourd’hui tout entière. Des gens chuchotent, se retournent et cherchent à voir la chanteuse qui se trouve cachée par un pilier. Elle n’entend ni ne sait rien. Sait-elle seulement qu’elle chante ? Mlle Charmes la voit de profil. Elle admire cette pâleur qui s’éclaire graduellement et va devenir cette sorte de nacre qu’elle connaît bien, et qui va s’étendre sur tout ce visage qui n’a pas encore dix-huit ans.

La messe se poursuit, fervente et solennelle. Louis Pied Bot a repris de l’assurance, les petites filles l’ont suivi, et leurs voix réunies font encore valoir celle d’Églantine. Appuyée à l’harmonium plus qu’elle ne le devrait, elle semble toujours