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ce regard-là. Ne l’a-t-elle pas vu à mère Clarisse, à l’heure de son départ définitif ? Elle espère quand même, et offre à son chien du lait chaud plein son écuelle.

Non, Tou ne boira pas le lait. Il étouffe et il tremble plus encore que lorsque sa fourrure était mouillée. Il a eu trop froid. L’eau de l’étang l’a glacé au dedans comme au dehors. Églantine le supplie en vain. Elle lui caresse le museau, lui essuie les yeux d’où semblent couler des larmes. Elle évite ce regard qui suit tous ses gestes. Elle pense seulement à retenir la vie qui veut s’échapper, de son chien. Son appel habituel monte comme une prière :

— Écoute ! écoute !

Tou a encore la force de lécher la main qui reste à sa portée. Il cesse peu à peu de trembler et l’espoir revient à Églantine. Penchée sur lui, elle crie presque :

— Écoute, écoute petit frère !

Il essaye de relever la tête, fait un mouvement comme s’il allait se mettre debout, et retombe lourdement, les yeux à jamais fermés sur le visage de celle qu’il a tant aimée.

C’est au tour d’Églantine de trembler. Ses mains, devenues maladroites, cherchent la place du cœur de cet ami si cher.