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ne leur tire pas les cheveux. Tout de même, de penser que tu pleures là-bas toute seule, ça me donne envie de pleurer aussi ; alors, pour n’y plus penser, je t’écris. Voilà !

« J’ai d’abord à te dire que papa et maman sont toujours bien sages. S’ils ne sont pas aussi gais qu’avant c’est parce que tu n’es pas avec nous, cela va de soi. Papa a repris ses sorties du soir comme au temps des disputes, mais c’est pour des travaux supplémentaires, afin de gagner plus d’argent. Maman m’a bien défendu de t’en parler, aussi, je le fais en cachette.

« J’ai aussi à te dire que les jumeaux font bien enrager la nouvelle femme de ménage. Moi je trouve que c’est bien fait, parce qu’à midi elle nous donne à manger des choses qu’on n’aime pas. Elle prétend que c’est pour faire des économies à nos parents. Oui, je t’en fiche ! qu’elle leur fait des économies. Sais-tu qu’hier Angèle l’a vue manger un fromage tout entier à son dessert. Si c’est ça qu’elle appelle faire des économies à nos parents. De ton temps, il y en avait pour toute la famille d’un fromage. Et encore, bien souvent il en restait. C’est comme pour le chocolat. Au lieu de nous donner comme toi une grosse tablette au goûter, elle nous en donne une toute petite. Je ne sais pas où elle les prend ces petites tablettes, je n’en ai jamais vu de pareilles chez les marchands. Elle doit les faire faire sur mesure. Aussi, Angèle qui a toujours faim de chocolat, m’a promis de se plaindre à maman. Moi je n’oserais pas, tu le sais bien.

« Je vais encore te confier un secret. Angèle a