Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Partez, nous dit à son tour le parent de Rose, partez par n’importe quel moyen. N’avez-vous pas de bicyclettes ?

Il dut insister car Rose ne voulait pas quitter sa maison et moi je ne voulais pas abandonner la femme de mon frère. Rose céda enfin en voyant le passage affolé d’une multitude de gens. Et bientôt il y eut deux cyclistes de plus sur la route.

À Paris nous trouvons le logement vide. Depuis une quinzaine, Manine est au moulin avec ses filles qui avaient grand besoin d’air pur.

Sous ma porte je ramasse un papier plié en deux et comme une fois déjà je reconnais l’écriture de Valère. Il a tracé au crayon :


« Je trouve ta porte fermée, Annette, et je pars à la guerre. Tu ne sais pas ce que c’est que partir à la guerre sans avoir revu le visage de celle qui fut autant votre sœur que votre femme, celle-là qu’on a si cruellement offensée et cependant jamais cessé de chérir. Demain je serai un instrument de mort parmi d’autres instruments de mort. Saurai-je seulement frapper l’ennemi ? Et comment ferai-je pour défendre ma propre vie ?

« Je voudrais te serrer longuement, étroitement sur mon cœur et recevoir de toi le baiser d’adieu et de pardon.

« Valère. »

Mes oreilles bourdonnèrent comme à un nouveau tocsin et le désir me vint de courir châtier les voleurs armés. Dans ce départ pour la guerre je n’avais pensé qu’à Firmin, et voici que Valère y allait de même. Peut-être en ce moment, faisait-il