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redresse. J’entends des voix venant du dehors. C’est ma jeune voisine et son mari qui se souhaitent mutuellement bon courage pour leur journée de travail.

Étonnée je vois à la pendule qu’il n’y a pas cinq minutes que Valère est parti. Et, cependant, il me semble que depuis ce départ des heures et des heures ont passé. J’ai froid. Une douleur lancinante me traverse la tête d’une tempe à l’autre. Je voudrais m’asseoir, je voudrais m’étendre sur mon lit, mais cela me parait si difficile que j’y renonce, et c’est debout que le souvenir de toute chose me revient.

Longtemps je reste à réfléchir. Je n’ai plus envie de mourir. Et c’est avec une volonté bien arrêtée cette fois, que je dis tout haut :

— Il faut partir d’ici, Annette Beaubois. Il faut partir aujourd’hui même.

Je crains pour mon enfant. Des moments comme celui que je viens de passer peuvent lui être nuisibles. Qui sait si le mal n’est pas déjà fait ? Je ne l’exposerai pas davantage. Lorsqu’il aura vu le jour, j’aurai plus de force pour le défendre et faire valoir ses droits auprès de son père.

Ce soir, la fenêtre de la tour restera fermée, la mer pourra danser sous la lune, et la Crapaude fouiller sous les pierres, Annette Beaubois ne guettera pas sur la route la silhouette de Valère Chatellier.

Le temps de mettre un peu de linge dans une valise. Quelques mots d’explication placés bien en vue sur la table et me voici dans le tramway qui s’en va vers la gare de Nice.