Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sa voix une moquerie qui me blesse. Me croit-il vraiment si sotte ?

Au moment du départ il vient à moi pour m’embrasser comme à l’ordinaire. La moquerie de sa voix a passé dans ses yeux qui sourient malicieusement de ma confiance. J’évite son baiser, et je ne sais ce qui me pousse à lui dire :

— Tu sais si je t’aime, Valère, mais j’ai un tel dégoût des ivrognes que je me sens capable de me séparer de toi sans regret, si tu dois le devenir.

Les yeux de Valère changent d’expression, les couleurs de son visage disparaissent, et sa voix si moqueuse l’instant d’avant, se fait singulièrement sourde pour me dire :

— Prends garde, Annette ! ne dis pas de ces mots qui vous blessent comme des pierres et qu’on ne peut plus oublier.

Son émotion est si forte que la sueur lui perle au front.

J’ai regret de ma méchanceté, et, ne trouvant rien à dire, je pose mes deux mains sur ses épaules. Aussitôt nos regards se croisent et se fouillent. Il semble que nos âmes soient là, face à face, tremblantes de doute et de crainte. Cela dure, dure, puis un souffle rude s’échappe de nos poitrines et, soudain, lancés l’un vers l’autre avec la même violence, nous restons unis comme deux êtres qui n’auraient qu’une seule bouche pour respirer.


Dans notre part de jardin, en plus des orangers et des citronniers, il y a un énorme cactus et un très gros et très vieil olivier.

Le cactus a poussé à l’écart, dans un endroit