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dans l’air bleu, et je vois qu’il a mis une cravate bleue.

Nous sortons de la maison et gagnons presque en courant le petit chemin qui borde la mer. Devant nous tout est bleu, immuablement bleu.


À travers les rideaux de la fenêtre je vois s’avancer vers ma porte un couple que je reconnais pour les patrons de Valère. Je n’ai pas grand mérite à les reconnaître sans jamais les avoir vus auparavant ; Valère me les a si souvent dépeints. Je leur trouve en effet l’air de braves gens, sans finesse comme sans méchanceté, mais tout de même un peu vulgaires. Et je pense :

« Valère, avec sa belle intelligence, ne sera jamais la dupe de ces deux-là malgré leurs bons dîners. »

Par pure malice, je les laisse frapper deux fois avant d’ouvrir. L’homme demande :

— C’est vous mademoiselle Annette ?

— Annette Beaubois, oui, monsieur.

Il fait un pas en avant :

— Nous venons vous parler.

Je barre le seuil et demande à mon tour :

— Voulez-vous me dire votre nom s’il vous plaît ?

Il fait encore un pas en avant comme pour entrer malgré moi et il reprend avec assurance :

— Nous sommes les patrons de M. Chatellier, et c’est de lui que nous venons vous parler.

Je m’efface et le couple entre sans cesser de se tenir par le bras. Je leur avance des chaises et je reste debout un peu inquiète. L’homme dit tout de suite :

— M. Chatellier est un garçon capable et nous