Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/126

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Comme si Reine entendait parfaitement cette chanson de mon cœur, elle demanda :

— C’est pour gagner plus d’argent, que tu t’en vas d’ici ?

— Oui, petite Reine.

Les papillons bleus quittèrent mon visage pour s’envoler au dehors :

— Oh ! regarde, Annette les hirondelles s’en vont aussi.

C’était vrai, malgré le vent, les jolis oiseaux s’appelaient et se groupaient pour le départ.

Les papillons bleus rentrèrent et se posèrent de nouveau sur mon visage tandis que Reine disait :

— Les hirondelles reviendront. Et toi ?

— Moi aussi.

— Quand ?

— Je ne sais pas petite Reine…

— Ah ! tu vois !

Les beaux cils battirent et les papillons bleus laissèrent échapper deux perles brillantes que je recueillis avec mes lèvres.

— Elles sont trop belles pour les laisser perdre, dis-je en m’efforçant de sourire.

Reine rit franchement et sa gaîté refoula d’autres perles qui s’apprêtaient à suivre.

Dans le même instant la vieille horloge toussa comme pour m’avertir que le temps de partir était venu.

Je posai l’enfant à terre, et une demi-heure plus tard, Manine et oncle meunier, grimpés sur le marchepied du train, me donnaient chacun à leur tour, un solide et chaud baiser d’adieu.