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comme une sorte de capitation, serait-elle disproportionnée avec les moyens d’existence que le prolétaire lui-même retire des secours de la société et de la protection que le gouvernement accorde à tous ceux qui la composent ?

Prétendrait-on que l’élévation du droit en affaiblit le produit, et que son abaissement aurait le double avantage de soulager le contribuable et d’enrichir le Trésor ? Ce résultat ne pourrait s’obtenir, relativement à une denrée d’une aussi faible valeur intrinsèque, que par une très large concession sur un tarif déjà trop modéré pour comprimer une consommation dont la nécessité est aussi impérieuse. Cette vérité ressort avec évidence des calculs par lesquels nous avons prouvé que chaque consommateur emploie, annuellement, une quantité de 12 à 15 livres de sel qui est notoirement en rapport avec les besoins de sa nourriture.

Un dégrèvement de ce genre serait donc l’abandon certain, et sans compensation pour l’État, d’un revenu très-considérable, sur un impôt dont le fardeau se répartit d’une manière presque insensible entre un très-grand nombre de tributaires car il est inaperçu par l’aisance et se confond ordinairement dans les salaires du travail le moins rétribué. Il est d’ailleurs à remarquer que les aliments des classes ouvrières sont fréquemment payés par ceux qui les emploient, et que le poisson salé dont se nourrit la population malheureuse du littoral ne supporte aucun impôt. Aussi la taxe du sel n’a-t-elle jamais excité les plaintes des consommateurs, mais seulement celles des propriétaires des marais salants, et quelquefois aussi les regrets d’une philanthropie mal éclairée sur la meilleure répartition des charges publiques.