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Aucun des biographes antérieurs n’a hésité. C’est Nicolas Alain. Haro sur le docteur saintongeois ! Il ne se contentait pas de faire des calembours ; il pillait encore son ami, peut-être son client. Et comment douter ? Le traité du sel commun a été publié en 1580 ; le De factura salis, en 1598, c’est-à-dire dix-huit ans après. Évidemment, Nicolas Alain copiait Bernard Palissy. Eh bien ! c’est le contraire. Maître Bernard, mort en 1590, s’appropriait en 1580 un ouvrage imprimé huit ans après son décès. Cette assertion peut sembler étrange : je vais la prouver. Le problème n’est pas sans quelque gravité ; non pas, certes, que la gloire de Palissy soit diminuée de beaucoup, s’il n’a pas raconté lui-même ce qu’il avait vu, la manière de faire le sel en Saintonge ; mais s’il est prouvé qu’il a, sans mot dire, pris pour lui un ouvrage d’un de ses amis, sa probité littéraire ne sera pas sans avoir reçu quelque accroc.

En 1598, fut imprimé le De Santonum regione, petit in-4o fort rare. L’ouvrage est offert à Henri de Bourbon, premier prince du sang et gouverneur d’Aquitaine, ce fils de Charlotte de la Trémouille, dont Henri IV avait confié l’éducation à Jean de Vivonne, marquis de Pisany, « illustre dans la paix et dans la guerre, » dit la dédicace, et dont la petite-fille fut cette célèbre Julie d’Angennes, pour laquelle soupira quinze ans l’austère Montausier. Laissons les diverses pièces de vers latins mises en tête de l’ouvrage. Le barreau de Saintes tout entier y chante en distiques et en strophes asclépiades le phénix qui renaît de ses cendres, les deux œufs de Léda, les jumeaux Castor et Pollux.