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spécialement livrés à une étude, savait beaucoup ; il avait creusé profondément le sillon des sciences naturelles et devait y laisser sa trace. Il résolut donc de parler. Sa conscience, sincèrement religieuse, lui faisait un devoir de ne pas laisser les autres croupir plus longtemps dans l’erreur. Au contraire de Fontenelle, Palissy veut ouvrir sa main toute large : « Je n’ai voulu, dit-il, cacher en terre les talents qu’il a pleu à Dieu de me distribuer pour les faire profiter et augmenter suivant son commandement, je les ai voulu exhiber à un chacun. » (P. 3.) Ailleurs (p. 129), il déclare dans son poétique langage qu’un jour il « considéroit la couleur de sa barbe, » et il se mit à penser « au peu de jours qui lui restoient. » C’est à peu prés ce qu’écrira Descartes, « que les poils blancs qui commencent à lui venir l’avertissent qu’il ne doit plus songer en physique à autre chose qu’au moyen de les retarder. » Mais tandis que le philosophe ajoute « qu’il n’a jamais eu tant de soin de se conserver que maintenant, » le potier moins égoïste s’écrie : « Cela m’a faict admirer les lys et les bleds des campagnes, et plusieurs espèces de plantes, lesquels changent leurs couleurs verdes en blanches, lorsqu’elles sont prestes de rendre leurs fruits. Aussi plusieurs arbres se hastent de fleurir, quand ils sentent cesser leur vertu végétative et naturelle ; une telle considération m’a fait souvenir qu’il est écrit : « Que l’on se donne garde d’abuser des dons de Dieu et de cacher le talent en la terre : aussi est écrit que le fol celant sa folie, vaut mieux que le sage celant son savoir. »