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élevées de l’idéal. Au lieu de ramper, volez. L’espace est immense. Ce monde surnaturel est peuplé de rêves, de chimères, de fantaisies gracieuses ou terribles. Et l’âme humaine a tant de dédain pour le sol qu’elle vous suivra où vous voudrez l’entraîner ; elle fuit avec tant d’horreur le terre à terre, qu’elle préférera les hautes régions les plus ardues et les aventures les plus fantastiques aux charmes de la vie facile et plantureuse.

Palissy se borne à la reproduction pure et simple. Il est joyeux (p. 64) d’avoir en son atelier un chien si bien imité « que plusieurs autres chiens se sont pris à gronder à l’encontre, pensans qu’il fust naturel. » Ses vœux ne vont pas au delà. Il croit avoir atteint le sublime quand un dogue aboie contre un caniche de faïence, ou qu’un visiteur salue au jardin une statue qu’il prend pour un homme.

Voilà son esthétique : c’est le réalisme, c’est l’imitation scrupuleuse de la nature. N’y a-t-il donc là aucun mérite ? Loin de ma pensée cette affirmation. Il faut plus d’habileté qu’on ne croit pour être réaliste. Mais c’est un art inférieur. Eh bien, dans ce genre secondaire Bernard Palissy obtient le premier rang. Voyez ses émaux ; la forme ne lui appartient pas, puisque tous ses reliefs sont moulés ; mais dans la disposition quelle variété, et dans les couleurs quelles nuances ! Cela est à lui, et à lui seul. Pour apprécier son talent, comparons-le à ses imitateurs. Le rapprochement ne lui sera que favorable. Comme tous ces tons sont riches ! quel éclat ! Il n’a pas placé haut son idéal ; le trompe-l’œil lui suffisait. Il