Page:Audiat - Bernard Palissy : étude sur sa vie et ses travaux.djvu/329

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naît cette délicieuse nourrice — recueil Delange, n° 89 — allaitant son poupon en souriant ? Et ce gamin — n° 90 — emportant dans un pan de sa chemise une nichée de petits chiens ? La mère le suit, inquiète, affligée, essaye de retenir le ravisseur, qui se rit de ses vains efforts, tandis que les caniches semblent jeter à leur mère un regard suppliant et lui demander protection. Et le veilleur ? et le cornemusier ? et tant d’autres figurines bien dignes de la haute estime où les placent les connaisseurs ? De qui sont-elles ? On ne trouve, de 1550 à 1590, aucun artiste capable de les exécuter. Donc elles ont pour auteur Bernard Palissy. C’est sous ce nom qu’elles ont été connues et admirées ; c’est ce glorieux patronage qui leur a porté bonheur. On est même allé jusqu’à faire un mérite à Bernard de la pensée elle-même de ces chefs-d’œuvre. Par là, un de ses biographes le rattache, par-dessus deux siècles, à certains publicistes modernes qui tiennent école de déclamation contre les riches et les grands, à l’adresse des petits et des pauvres :

« Il y a dans toute idée vraie, écrit M. Dumesnil, un développement si logique que, dans cette espèce de représentation d’une partie ignorée de la nature inférieure, il arrive à d’autres parias de la civilisation au seizième siècle, non plus des animaux, mais des hommes. Un siècle avant Rembrandt, en France, il prend les pauvres, les misérables, les mendiants des campagnes, joueurs de vielle et de cornemuse, aux vêtements bariolés, au visage rougi par les intempéries, et il leur donne un air de moralité si tou-