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de force il « bastela » ainsi l’espace de quinze ou seize ans. Mais chaque pas l’approchait du but. Ainsi que les grands artistes, toujours mécontent du succès présent, il voulait passer plus outre, et arriver à la perfection. L’argent qu’il retirait de la vente de ses pièces l’aidait à poursuivre ses expériences. Quelle opiniâtreté et quelle misère ! Il travaille à la belle étoile, exposé à toutes les intempéries de l’air, à toutes les injures d’un climat pluvieux. Un jour, une ondée arrive, noie ses pots qui n’étaient pas encore séchés ; le vent en brise une partie ; la gelée achève les dégâts du vent et de la pluie.

« I’ay esté plusieurs années, dit-il (page 321), que n’ayant rien de quoy faire couurir mes fourneaux, i’estois toutes les nuits à la mercy des pluyes et vents, sans auoir aucun secours, aide ni consolation, sinon des chats-huants qui chantoyent d’un costé et les chiens qui hurloyent de l’autre. Parfois il se leuoit des vents et tempeste qui souffloyent de telle sorte le dessus et le dessouz de mes fourneaux que i’estois contraint quitter là tout auec perte pour mon labeur ; et me suis trouué plusieurs fois qu’ayant tout quitté, n’ayant rien de sec sur moy, à cause des pluyes qui estoyent tombées, ie m’en allois coucher à la minuit ou au point du iour, accoustré de telle sorte, comme un homme que l’on auroit traisné par tous les bourbiers de la ville ; et en m’en allant ainsi retirer, i’allois bricollant sans chandelle, et tombant d’vn costé et d’autre, comme un homme qui seroit yure de vin, rempli de grandes tristesse : d’autant qu’apres auoir longuement trauaillé, ie voyois mon labeur perdu. Or