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construira un autre. Mais il ne s’attend pas à un nouvel obstacle. Un feu d’enfer, chauffant pendant six jours et six nuits les parois du four, a liquéfié le mortier et les briques ; c’est du verre. En démaçonnant, il se coupe les doigts, se meurtrit les mains, tellement qu’il peut à peine tenir « une cuiller pour manger son potage. »

Après avoir démoli, il devait reconstruire ; et il le fait, allant chercher lui-même l’eau, le mortier, la pierre. Pour abréger, il broie ses drogues à un moulin à bras. Deux hommes robustes pouvaient à peine le virer. L’énergie, l’ardeur doublera ses forces ; il fera des choses qu’il croyait impossibles. La première cuisson a lieu sans encombre. La seconde, l’importante, sera bonne ; il le faut car il a emprunté les matériaux qui ont construit son four, le bois qu’il l'a chauffé, le pain qui l’a nourri lui-même. La fournée lui a coûté « six vingts escus, » quinze cents francs environ. Il comptait bien en retirer quatre cents livres, valeur de l’époque, et apaiser par là ses dettes les plus criardes. Ses créanciers attendent avec mauvaise grâce. Par ses promesses chaleureuses, par sa conviction du succès prochain, il a pu ajourner leurs exigences. Mais leur patience s’est lassée ; ce jour est le dernier délai qu’obtiendra l’infortuné débiteur, le terme fatal après lequel il y a la prison, la ruine et l’infamie.

On ouvre le four. Ô comble de désespoir ! l’émail a bien fondu ; mais sous la violence du feu, les cailloux dont le mortier était plein avaient volé en éclats. Plats et médailles étaient incrustés de débris de