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des subtilités juridiques, le débouta de sa demande, le condamna aux dépens et valida la saisie pratiquée.

Rihana, mise en vente, fut achetée pour le compte de l’administrateur, qui l’enfourcha sans pudeur dès qu’il en fut devenu possesseur et toisa dorénavant avec insolence Lagdar, navré qu’on lui eût subtilisé sa bête. Quand celui-ci passait à portée de sa voix il lui criait : « Espèce de gueux, tu as refusé de me céder ta jument et, quinze jours après, tu l’as fait vendre par autorité de justice ! Je te revaudrai cela ! »

L’enlèvement de Rihana désola particulièrement Nedjma, la femme préférée de Lagdar.

Nedjma ne mangeait pas un gâteau de miel, pas une poignée de dattes, pas une bouchée rissolée de mouton rôti en plein air, sans en donner sa part à Rihana, et celle-ci paraissait répondre à cette sympathie et hennissait de plaisir en voyant sa belle maîtresse.

Un jour que l’administrateur, en tournée dans le douar des Oulad Mokran, l’avait laissée à la garde de son chaouch, elle vint d’instinct à la porte de Lagdar. Nedjma crut naïvement que Rihana leur était rendue. Joyeuse, riant et pleurant à la fois, sautant et dansant, elle courut à elle, caressa son poitrail, prit sa tête dans ses mains mignonnes et, soulevant son haïck, elle l’embrassa longuement.

Entendant des pas, elle abaissa vivement son voile