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un immense collier de couples de ces volatiles leur descendait des reins aux genoux.

Ces vigoureux garçons, qui ployaient sous le poids, paraissaient trouver comme leurs maîtres tout naturel le dépouillement des Beni-Gharabas à leur profit.

Cependant, il faut dire que le greffier-notaire, un courtaud épais qui gagne de l’argent gros comme lui, se pourlécha les babines en voyant les dindes si bien à point et eut un élan de cœur :

« Allons, ben Yaya, dit-il, allons, je veux bien accepter, pour te faire plaisir ; mais dis chez vous que, quand tu nous inviteras pour une diffa, Madame emportera du sucre d’orge pour les bébés du douar ! »

Pour pouvoir subsister, les Beni-Gharabas vendirent tout et n’eurent bientôt plus que leurs tentes. Ils vendirent leurs tapis vieux et neufs, ils vendirent leurs plats de bois et de métal, leurs plateaux d’argent. Ils vendirent leurs chiens-loups, ces sentinelles vigilantes qui flairent l’animal ou l’homme à deux kilomètres, et déchirent de leurs crocs le maraudeur ou l’imprudent qui ose s’avancer. Enfin, à bout de privations et d’expédients, ils cédèrent à un maquignon contre très peu d’espèces sonnantes leurs superbes chevaux, ces amis toujours sellés qui les attendent à la porte de la tente.

Ce sacrifice suprême ne les préserva que pour un