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Enfin, pour la fin de sa vie
Il me despleut, car il plaisoit.
Suis-je fascheux de me joüer
A mes enfants, de les louer ?
Amis, pardonnez-moi ce vice :
S’ils sont camus et contrefaicts,
Ni la mère ni la nourrice
Ne trouvent point leurs enfants laids.
Je pense avoir esté sur eux
Et père et juge rigoureux :
L’un à regret a eu la vie,
A mon gré chaste et assez beau ;
L'autre ensevelit ma folie
Dedans un oublieux tombeau.
Si, en mon volontaire exil,
Un juste et severe sourcil
Me reprend de laisser en France
Les traces de mon perdu temps,
Ce sont les fleurs et l’espérance.
Et cecy les fruicts de mes ans.
Aujourd’huy abordé au port
D’une douce et civile mort,
Comme en une terre feconde,
D’autre humeur je fay d’autres vers,
Marri d’avoir laissé au monde
Ce qui plaist au monde pervers.
Alors je n'adorois sinon
L’image vaine du renom,
Renom de douteuse espérance :