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lire les rares histoires de nostre siècle, opprimées, esteintes et estouffées par celles des charlatans gagez ? Et qui, sans l’histoire, prendra goust aux violences de nostre autheur ? Doncques, avant le reste de la mémoire, du zèle et des sainctes passions esteintes, mon bon, mon violent désir se changea en courage : je desrobay de derrière les coffres et dessoubs les armoires les paperasses crottées et deschirées desquelles j’ay arraché ce que vous verrez. Je failli encor à quitter mon dessein sur tant de litures et d’abbreviations et mots que l’autheur mesme ne pouvoit lire, pour la précipitation de son esprit en escrivant. Les lacunes que vous y verrez à regret me despleurent au commencement, et puis j’ay estimé qu’elles contraindront un jour un bon père de ne laisser pas ses enfants ainsy estroppiez. Je croy mesme que nous amènerons l’autheur à favoriser une édition seconde, où non seulement les deffauts seront remplis, mais quelques annotations esclairciront les lieux plus difficiles. Vous trouverez en ce livre un style souvent trop concis, moins poly que les œuvres du siècle, quelques rythmes à la reigle de son siècle, ce qui ne paroist pas aujourd’huy aux pièces qui sortent de mesmes mains, et notamment en quelques unes faictes exprès à l’envi de la mignardise qui court. C’est ce que j’espère vous présenter pour la seconde partie de mon larcin. Ce qui reschaulfa mon désir et m’osta la crainte de Toffence, ce fut de voir les impudents larcins des chouettes de ce temps qui glanoyent desja sur le champ fertile avant la moisson. Je vi dans les quatrains de Mathieu iusques à trois vers de suitte desrobez dans le Traitté des douceurs de l’affliction, qui estoit une lettre escritte promptement à Madame, de laquelle je vous promets la responce au recueil que j’espère faire. Ainsy l’amour de l’Eglise, qui a besoing de fomentations ; l’honneur de celuy que j’offence, auquel je veux