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aucune illusion. Il succomba en arrivant, le 23 septembre, et le siége de Paris, qui avait commencé le 19, ne nous permit d’apprendre sa mort que trois mois après, par un de ces journaux de Londres qui nous parvenaient irrégulièrement et longtemps après leur date.

Heureux ceux à qui il a été donné de terminer leurs jours à temps pour ne pas assister à ce spectacle navrant de nos misères ! Comme si ce n’eût pas été assez des douleurs et des humiliations que nous avait infligées ce lugubre siège de notre capitale, — siège conduit Dieu sait comme ! et avec quelle funeste infatuation ! — il fallut y ajouter les hontes et les épouvantements d’une autre guerre, — plus quam civile, — d’un second siège, dont l’histoire serait, certes, une page digne de la plume vengeresse de l’auteur des Tragiques !…

III

Pacis artes colere inter Martis incendia : chose malaisée ! comme le dit d’Aubigné lui-même au début de ses Mémoires (p. 10). Si pourtant un ouvrage se trouvait approprié à de pareilles circonstances, c’était bien celui dont les tableaux portaient ces titres d’une sinistre actualité : Misères, — Princes, — Chambre dorée, — Feux, — Fers, — Vengeances, — Jugement ! N’étaient-ce pas là, en effet, comme les rubriques du cycle infernal que nous venions de traverser ?

J’en fus frappé lorsque M. Jouaust, voulant reprendre le travail interrompu, me demanda de donner mes soins à cette édition. Ainsi que je l’ai déjà dit plus haut, la maison de la rue de Lille où demeurait M. Mérimée n’était plus, le 26 mai 1871, qu’un monceau de cendres : sa belle bibliothèque d’érudit et fin connaisseur, qu’il avait léguée à l’Institut, ses riches collections, ses manuscrits, ses correspondances inédites de Victor Jacquemont et de Stendhal, tout était anéanti ! Les matériaux qu’il avait préparés pour l’annota-