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mieux qu’il put, puis se jeta sur son lit où il ne tarda pas à s’endormir d’un profond sommeil. La fatigue le fit reposer pendant quelques heures ; mais, vers le matin, son imagination frappée de la veille vint les lui rappeler avec des circonstances horribles.

Il lui sembla que sa demeure était transformée en un immense tombeau de marbre noir ; que ce n’était plus sur un lit qu’il reposait, mais sur le cadavre d’un vieillard octogénaire auquel il était lié par des cheveux d’une blancheur éclatante. Des milliers de vermisseaux qui lui servaient de drap mortuaire le tourmentaient sans-cesse. Tout-à-coup, au pied de sa couche glacée se levait lentement l’ombre d’une jeune fille, enveloppée d’un immense voile blanc, qui l’invitait à la rejoindre ; et il faisait d’inutiles efforts pour se soulever. La jeune fille levait son voile et sur son corps d’une beauté éblouissante, il voyait un visage dévoré par un cancer hideux, qui lui présentait une bouche sanglante à baiser. Puis l’ombre de Guillemette se présentait à son chevet pâle et livide ; de son crâne fracassé s’écoulait une longue trace de sang et sa chemise entrouverte laissait voir une profonde blessure à son col. Il se sentait près de défaillir ; mais l’apparition lui jetait quelques gouttes de sang sur les tempes et ses forces s’augmentaient malgré lui. Il voulait se fuir lui-même ; mais une voix intérieure lui répétait sans-cesse : Seul avec tes souvenirs !