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ASSOCIATION DES ANCIEN ÉLÈVES

tions, l’ont honorée par leur caractère, leur savoir et leur talent dans les fonctions universitaires. Mais elle se rappelle avec une complaisance particulière et un plus vif sentiment d’orgueil ceux qui, s’écartant des voies communes, savants, historiens, poètes ou critiques, ont attaché à leur nom une notoriété plus haute, et qu’elle a vus s’élever jusqu’à la renommée. Le souvenir de Maxime Gaucher lui restera cher à ce double titre, puisque, sans répudier jamais l’honneur modeste d’être un professeur du plus grand mérite, il a su imposer son nom, comme écrivain, à la sympathie et à l’admiration du public, et apporter ainsi un nouveau tribut à la gloire de l’École qui fut son berceau.

Ernest Dupré.


Promotion de 1852. — Jules-Alfred-Marie Girardin, né à Loches (Indre-et-Loire), le 3 janvier 1832, décédé à Paris, le 26 octobre 1888.

Il fit ses études au collège de Châteauroux ; il les continua, veux-je dire, car lorsqu’il y entra, il possédait déjà un fonds d’instruction très étendue et très solide, acquise pendant des années d’intelligente flânerie à la campagne. Cette instruction-là le suivit partout ; et, lorsque, sans cesser d’être professeur, il se fit écrivain, ce fut elle qui lui servit le plus. À chaque page en effet, il plaçait quelque impression d’enfance, toute vivante, qui faisait dire au lecteur : « Comme c’est bien cela ! » ainsi qu’il arrive devant un portrait ressemblant, même quand on n’en a pas connu l’original. Escapades de collégiens, paysages lumineux et frais, rencontres attendrissantes ou comiques, gros chagrins ou joies exubérantes d’enfants, lui revenaient à la mémoire pour revivre dans ces récits qui allaient charmer les familles — et l’écolier à qui on avait donné un livre de Girardin se plaignait bien souvent d’être le dernier à le lire.

Tout en amassant des collections de souvenirs, tout en faisant l’école buissonnière (car le collège était si peu clos que les élèves s’en allaient souvent, les nuits d’été, se baigner dans la rivière) Girardin travaillait. Il ne se contentait pas de regarder les ruisseaux et les cailloux, les arbres et les oiseaux des bois, les insectes qui couraient dans l’herbe et l’herbe où couraient les insectes, il étudiait l’histoire naturelle, dont il garda toujours l’amour. Bien des années avant qu’elle fût à la mode, je l’ai entendu exprimer le désir qu’on l’enseignât aux enfants de tout âge ; et il développait son plan : Des promenades où chaque pas fournissait l’occasion d’une leçon d’après nature ; l’observation des mœurs des animaux, des habitudes des plantes : l’histoire naturelle enfin telle qu’il se l’était apprise à lui-même, pittoresque, amusante et féconde pour l’esprit. Il haussa souvent les épaules quand elle eut pénétré dans les programmes des petites classes avec tout son attirail de nomenclatures : ce n’était pas ainsi qu’il la comprenait.

Il trouvait partout des occasions de s’instruire. Un traité du Blason, égaré dans un grenier, tombe sous la main du collégien fureteur, il apprend le blason. Il n’a pas besoin qu’on lui explique La Fontaine ; de lui-même il s’éprend d’un grand amour, qu’il a toujours conservé, pour ce poète qui comprenait si bien les bêtes. Enfin, sachant ce qu’on lui avait appris dans ses classes, et bien d’autres choses encore, Girardin est reçu bachelier. Que faire après ? Il songe à Saint-Cyr : mais il a déjà deux frères dans l’armée, et sa