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Le Nénuphar




L’air s’embrume ; les joncs, roux comme de vieux os,
Encadrent l’étang noir qui dort ſous le ſilence.
L’eau plate luit dans une opaque ſomnolence
Où le ciel renverſé fait gliſſer des oiſeaux.

Et là-bas, loin des bords gluants, loin des roſeaux,
Seul, bercé dans ſa fière & ſouple nonchalance,
Un Nénuphar, ſplendeur nageante, ſe balance,
Tout blanc ſur la noirceur immobile des eaux.

— Ainſi, tu t’ouvriras peut-être, un ſoir d’automne,
Ô mon ſuprême amour, eſpoir d’un cœur atone,
Fleur triſte & froide écloſe au lac de mes ennuis.

Et le chaſte parfum de la corolle pâle
Montera dans le calme inſondable des nuits,
Avec le dernier cri de ma douleur qui râle.


Edmond Haraucourt.