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des sonnets


Sonnet




Juge notre querelle, ô Toi qui nous entends.
Je ſais que l’Être épanche à torrents l’exiſtence,
Et que tu peux tirer de ta pure ſubſtance
Une profuſion d’univers éclatants.

Mais ce qui ſort du temps ſombrera dans le temps.
Je revois en eſprit le monde qui commence ;
Moi, chétif, je prédis la fin du ciel immenſe,
Et je prends en pitié les aſtres haletants.

Mon âme attend la mort des étoiles, ſans crainte :
L’unité de mon Dieu s’eſt fortement empreinte
Sur mon indeſtructible & vivante unité.

Mais vous, globes errants, ô peuple ſans mémoire,
Vous n’êtes rien, malgré vos tréſors de clarté,
Que matière ſublime & poussière de gloire.


Maurice Bouchor.