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des sonnets


Les Dieux




S’il eſt vrai que ce ſiècle ait tué tous les Dieux,
Et que l’homme, éveillé de ſon ſommeil antique,
Ne doive plus les voir en légion myſtique
Monter vers leur Olympe immenſe & radieux,

Eſt-ce à nous d’applaudir au déſaſtre des Cieux,
À nous que trouble encor la plainte d’un cantique,
Et qui ſous le ſymbole ou païen ou gothique
Sentons frémir les cœurs de nos lointains aïeux ?

Non, France ! Il eſt plus noble & d’un eſprit plus ſage
D’adorer dans les Dieux la plus ſublime image
Que l’âme périſſable ait rêvée ici-bas ;

Et, ſceptiques enfants d’une race laſſée,
Offrons-leur, à ces Dieux que nous ne prions pas,
L’aſile inviolé d’une calme Penſée.


Paul Bourget.