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des sonnets


La Patrie




Viens ! ne marche pas ſeul dans un jaloux ſentier,
Mais ſuis les grands chemins que l’humanité foule ;
Les hommes ne ſont forts, bons & juſtes, qu’en foule :
Ils s’achèvent enſemble, aucun d’eux n’eſt entier.

Malgré toi tous les morts t’ont fait leur héritier ;
La patrie a jeté le plus fier dans ſon moule,
Et ſon nom fait toujours monter comme une houle
De la poitrine aux yeux l’enthouſiaſme altier !

Viens ! il paſſe au forum un immenſe zéphire ;
Viens ! l’héroïſme épars dans l’air qu’on y reſpire
Secoue utilement les moroſes langueurs.

Laiſſe à travers ton luth ſouffler le vent des âmes,
Et tes vers flotteront comme des oriflammes
Et comme des tambours ſonneront dans les cœurs.


Sully Prudhomme.